Réponse de Martine Aubry à Greenpeace Lille : l’engagement sur la sortie des véhicules polluants

Lettre du 11/12/2019 à Martine Aubry

Objet : Élections municipales – Engagement sur la sortie des véhicules polluants

Madame Aubry,

Vous êtes candidate à la mairie.

Comme vous le savez sûrement, notre agglomération et ses habitant.es souffrent de la pollution de l’air, qui constitue aujourd’hui une urgence sanitaire établie. Lille a connu ces dernières années des dépassements des seuils réglementaires pour les particules fines et pour le dioxyde d’azote, et les modélisations existantes montrent que les concentrations en polluants restent encore élevées, voire en dépassement, sur le territoire. Le trafic routier porte une responsabilité toute particulière en ce qui concerne les émissions de ces polluants et doit absolument être restreint.
Le trafic routier est également le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre à l’échelle de notre agglomération. L’urgence climatique nous impose d’agir rapidement et de sortir de notre dépendance collective au pétrole, au transport routier et à la voiture individuelle.

C’est pourquoi nous vous demandons de vous engager en faveur d’une sortie progressive des véhicules polluants dans notre agglomération, et d’assumer un objectif de sortie complète du diesel pendant le prochain mandat, puis de l’essence à horizon 2030 . La mise en place d’une Zone à Faibles Émission (ZFE) pourra constituer une première étape vers cet objectif. Une ZFE a été actée en juin 2019 par la métropole lilloise, mais elle doit encore entrer en vigueur et elle doit être renforcée. Pour être vraiment efficace, la zone à faibles émissions doit justement permettre de définir un calendrier de sortie progressive de tous les véhicules carburant aux énergies fossiles, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Par ailleurs, elle doit porter sur un périmètre géographique ambitieux, qui permette de couvrir les principaux points de pollution liée au trafic routier de l’agglomération et qui prenne en compte les enjeux à l’échelle de l’ensemble de la métropole. Enfin, elle doit viser à intégrer les différentes catégories de véhicules, y compris les véhicules particuliers qui portent une grosse responsabilité en termes d’émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre (c’est ce qui est prévu dans le projet actuellement sur la table).

En parallèle, il faut absolument prioriser le développement des alternatives à la voiture individuelle . L’enjeu est de permettre à chacun.e de se déplacer autrement et réduire la place de la voiture en ville. Plusieurs associations locales de propositions et de demandes pour améliorer l’offre et le réseau de transports en commun urbain et métropolitain, pour développer les aménagements cyclables et la culture vélo, pour sécuriser et/ou donner plus de place aux mobilités actives et partagées dans l’espace public. Ces propositions et demandes doivent être prises en compte.
ll faut aussi proposer des aides financières et un accompagnement aux ménages et aux professionnels qui se retrouveraient en difficulté face à ce changement et aux restrictions posées sur les véhicules polluants.
Nous attendons également des candidat.es aux élections municipales qu’ils se positionnent clairement en ce sens.

Il faut enfin faire preuve de cohérence et ne plus s’engager dans des projets de nouvelles infrastructures routières et autoroutières (eg. rocade Lino) – ces infrastructures engendrent en effet une hausse du trafic routier, prolongent un modèle de mobilité aujourd’hui dépassé et supposent des investissements lourds qui devraient plutôt servir au développement des alternatives à la voiture.

Nous savons que ces sujets relèvent, au moins en partie, des compétences de la métropole, mais nous savons aussi que la ville-centre peut jouer un rôle d’entraînement décisif à l’échelle métropolitaine. Nous attendons donc des engagements clairs et assumés des candidat.es aux élections municipales de la ville de Lille pour savoir ce qu’ils entendent mettre en place pour la ville et ce qu’ils entendent défendre et pousser au niveau métropolitain.

Assumer une sortie des véhicules carburant aux énergies fossiles demande du courage politique. Dans un contexte de prise de conscience et de mobilisation croissante des citoyen.nes sur les enjeux écologiques, les candidat.es aux élections municipales seront aussi jugé.es sur leurs engagements pour protéger notre santé et notre climat. ll n’est plus vraiment possible de tergiverser : il s’agit de protéger les catégories de population les plus vulnérables face à la pollution de l’air, comme les enfants ; de garantir à toutes et tous la possibilité de respirer un air sain (et pas seulement à celles et ceux qui ont la chance de ne pas vivre à proximité d’un axe routier important) ; et de nous permettre de sortir de notre dépendance au pétrole.
De plus, des villes s’engagent déjà en ce sens, à l’échelle française, européenne et internationale – un mouvement de fond a été enclenché et démontre concrètement que c’est possible, au-delà d’être souhaitable.

Nous vous serions reconnaissants de répondre à ce courrier et de nous faire part de vos engagements sur ces enjeux clefs :

➢ vous engagez-vous à poursuivre la mise en place de la zone à faibles émissions sur un périmètre géographique ambitieux, en intégrant les différentes catégories de véhicules polluants, notamment les véhicules individuels, et en prévoyant des mesures d’accompagnement social ?

➢ êtes-vous favorable à un objectif de sortie complète des véhicules diesel pendant le prochain mandat ? Êtes-vous favorables à un objectif de sortie complète des véhicules essence et à quel horizon ?

➢ êtes-vous favorable à mettre fin aux projets routiers et autoroutiers ? Plus globalement, vous engagez-vous, et comment, en faveur d’une dépriorisation de la place de la voiture en ville et du développement des alternatives ? Quelles sont vos propositions clés en ce sens ?

En amont des élections de mars, nous rendrons publics et communiquerons sur les engagements des différents candidat.es sur ces sujets clefs, pour en informer les électrices et les électeurs. Nous allons également nous engager activement à Lille, pendant toute la période de campagne électorale à venir, avec notre groupe local de militant.es : nous pensons en effet qu’il est essentiel de sensibiliser et de mobiliser les électeurs et d’encourager les citoyen.nes, dont vous faites partie, à prendre des engagements à la hauteur de l’urgence climatique et sanitaire (1).

En espérant que ce courrier saura retenir votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame Aubry, l’expression de nos salutations respectueuses.

Jean Baptiste Frau et Virginie VERVACKE
Référents Campagne Transports
GREENPEACE Lille, groupe local de Greenpeace France

(1) L’urgence climatique impose évidemment de ne pas agir uniquement sur le secteur des transports – à ce titre, nous vous invitons également à prendre connaissance des mesures portées dans le Pacte pour la transition citoyenne (https://transition-citoyenne.org/pacte/) dont nous sommes partenaires au niveau national, et par le Réseau Action Climat (RAC France) qui sollicitera également les candidat.es aux élections municipales sur leurs engagements pour le climat et dont nous soutenons la démarche.

Réponse de Martine Aubry

Lille, le 7 février 2020

A l’attention de Jean Baptiste Frau  et Virginie Vervacke
Référents « Transport » du groupe local GREENPEACE LILLE

Madame, Monsieur,

Je partage votre constat sur l’urgence à agir pour améliorer la qualité de l’air lillois. Celui-ci est moins pollué aujourd’hui qu’il y a 10 ans, mais sa qualité continue de poser problème. 

Ayant pleinement conscience de l’urgence climatique, nous avons, à Lille, déjà engagé la transition écologique depuis l’adoption de notre Agenda 21 jusqu’à la candidature au prix de Capitale Verte Européenne en 2019, en fixant à nos politiques municipales des objectifs ambitieux, contractualisés avec l’État, l’Europe et des réseaux spécialisés, et partagés avec les associations et les citoyens volontaires. 

Pour aller plus loin et arriver au plus tôt à la neutralité carbone, le programme que je propose vise à bâtir une ville bas carbone, avec une réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et de 75 % d’ici 2050 grâce à de multiples actions en matière d’énergie, de mobilité, d’aménagement paysager et urbain, de nature, de biodiversité ou de gestion des déchets.

Pour réduire le trafic routier, dont la responsabilité dans la dégradation de la qualité de l’air n’est plus à démontrer, je m’engage à mettre en oeuvre les mesures suivantes que vous retrouverez dans mon programme “Lille en commun, Lille en confiance” :

  • Extension de la piétonnisation et organisation régulière de journées sans voiture (ex : « dimanches de la Liberté »)
  • Pérennisation des 30 km/h en ville
  • Nouvelles règles de circulation sur le périphérique : après les 70 km/h, nous demandons à l’État d’interdire les camions aux heures de pointe et de réserver une voie aux transports en commun et au covoiturage
  • Mise en place avec la MEL d’une Zone à Faibles Emissions et interdiction progressive du diesel 
  • Comité citoyen de suivi des propositions validées à l’issue de la conférence citoyenne 2019 « Mieux respirer à Lille »
  • Soutien aux modes de vie et de consommation favorables à la qualité de l’air : rénovation des logements, alimentation de proximité, réemploi, végétalisation et lutte contre l’artificialisation des sols, mobilités douces et limitation de l’étalement urbain…

Pour répondre plus spécifiquement à votre question sur le périmètre de la Zone à Faibles Emissions : nous envisageons que l’ensemble du territoire lillois-lommois-hellemmois soit couvert à compter de la rentrée 2020, avec une restriction de l’accès au cœur du territoire métropolitain des véhicules automobiles vignette Crit’Air 4 et 5 et des véhicules non classés, responsables de 32% des émissions de particules fines.

Nous sommes par ailleurs attachés, en cohérence avec notre conviction que transition écologique et inclusion sociale doivent aller de pair, à ce que la Métropole européenne de Lille puisse proposer, sur critères sociaux, une aide financière pour accompagner au changement de mobilité ou à la conversion vers un véhicule moins polluant. 

En ce qui concerne l’interdiction des véhicules à moteur diesel, nous nous y engageons comme mentionné dans notre programme, dans une logique de progressivité et en mettant en oeuvre des mesures d’accompagnement social pour éviter tout phénomène d’exclusion. 

Les conditions de sortie de l’ensemble des véhicules à essence sont à envisager au regard de l’évolution à la fois des dispositions de niveau national, ainsi que du développement de solutions alternatives pouvant être proposées aux personnes dont la mobilité est diminuée en raison de leur santé ou de leur forme. Notre attachement à la justice sociale et au développement d’une ville bienveillante et inclusive nous amène à considérer avec une attention particulière les risques d’isolement que pourraient rencontrer certaines catégories de population particulièrement dépendantes de véhicules à essence. 

La diminution de la place de la voiture pour rendre la ville moins polluée et plus apaisée constitue un axe majeur de notre programme, avec, notamment les mesures suivantes pour encourager la marche, permettre aux cyclistes d’être plus nombreux et plus à l’aise, rendre  les transports en commun plus attractifs et aider les Lillois à limiter le plus possible l’usage de la voiture individuelle sans que cela ne freine leur mobilité ou ne pèse sur leurs revenus.: 

Lille aux piétons

  • Extension des piétonnisations temporaires en cœur de ville et dans certaines rues de quartier, les week-ends et jours fériés, après concertation avec les usagers, riverains et commerçants
  • Création de zones de rencontres supplémentaires et des « rues partagées » avec priorité aux piétons
  • Des trottoirs élargis et des cheminements piétons sûrs et confortables
  • Doublement de l’espace réservé aux piétons dans le réaménagement de l’espace public
  • Une ville à hauteur d’enfant et inclusive avec des aménagements adaptés aux personnes handicapées et âgées
  • Optimisation avec la MEL du dispositif « métrominuto » pour recenser et faire connaître les trajets à pied les plus intéressants (temps, itinéraire…)

Plus de place pour les vélos

  • Aménagement avec la MEL du Réseau Express Vélo (REV) : grandes voies traversantes, nouvelles pistes cyclables (+48 km depuis 2014), nouvelles « vélorues » où les vélos sont prioritaires sur les voitures comme rue Cabanis à Fives
  • Amélioration des continuités cyclables pour faciliter les balades à vélo et le vélo loisir ; généralisation des sas vélo aux feux
  • Multiplication des arceaux, box et parkings à vélos, en particulier près des stations de métro (350 places à Lille Europe par ex.)
  • Installation de bornes « coup de pompe »
  • Étude avec la MEL d’une optimisation des stations V’Lille et d’une relance des locations longue durée de vélos électriques
  • Soutien au développement du vélo-taxi et des livraisons en vélo-cargo par des entreprises socialement responsables

Des transports en commun attractifs

  • Instauration de la gratuité progressive des transports en commun dès 2020 aux moins de 18 ans, étudiants, seniors, et personnes en situation de handicap
  • Ouverture de 2 nouvelles lignes de tram métropolitaines permettant d’alléger le trafic automobile allant vers Lille et de mieux desservir certains quartiers (Fg de Béthune, Lille Sud…)
  • Mise en service de nouvelles lignes de bus à haut niveau de service (Lille-Villeneuve d’Ascq et Lille-Lesquin) et de nouveaux axes en site propre (ex : rue du Faubourg d’Arras)
  • Mise en service d’un téléphérique entre Fives Cail et St-Sauveur
  • Doublement des rames de métro effectif en 2023
  • Remise en service de la ligne de TER Lens-Villeneuve d’Ascq passant par Lille-Sud
  • Création d’un hub des mobilités Porte des Postes où convergeront métros, bus, tramway et une nouvelle gare TER

Moins de voitures

  • Pour un usage très limité de la voiture : Toute notre politique de déplacement et de circulation vise à diminuer la place de la voiture pour rendre la ville moins polluée et moins encombrée. L’offre de stationnement continuera d’être adaptée aux enjeux de la mobilité durable, avec plus de mutualisation et des préférences tarifaires pour les riverains.
  • Pour un usage plus vertueux de la voiture : L’accès de Lille sera interdit aux véhicules les plus polluants grâce à la Zone à Faibles Émissions délimitée dès la rentrée 2020 avec la MEL. Une prime métropolitaine devra accompagner socialement la conversion vers des véhicules moins polluants pour les habitants qui en ont besoin.
  • Davantage de bornes de recharge électrique seront mises à disposition des Lillois. Des journées sans voiture seront organisées régulièrement pour inciter aux changements de comportement et tester les nouveaux usages de mobilité.
  • Pour un usage partagé de la voiture : Augmentation de la flotte en auto-partage, incitation au covoiturage privé et professionnel, création de parkings-relais en silo aux entrées de ville (Porte de Valenciennes, CHR…).

Au-delà des enjeux liés à la mobilité, c’est toute la ville Bas Carbone que nous préparons : les quartiers dont l’habitat, privé ou social, s’est dégradé, sont transformés en quartiers durables, et les friches industrielles renaissent sous forme de vrais morceaux de ville, mêlant nature, logements et activités.

  • Du fil à la fibre : l’éco-quartier des Rives de la Haute Deûle se poursuit aux Bois-Blancs et à Lomme, autour des anciennes filatures Leblan-Lafont transformées en Euratechnologies, pôle d’excellence numérique de la French Tech.
  • Du métal à l’alimentaire : sur le site de l’ancienne usine métallurgique Fives Cail située aux frontières de Fives et d’Hellemmes, un écoquartier a émergé avec la bourse du travail, un lycée hôtelier, un gymnase, des bureaux, les premiers logements. Il accueillera bientôt une halle gourmande, une cuisine solidaire, des îlots d’habitat mixte, des activités créatives, de l’économie sociale et solidaire (ex : la Loco), une serre verticale. Ensuite viendront un parc de 4 hectares, une nouvelle piscine Fives-Hellemmes, une école et d’autres rues et places. La participation citoyenne continuera de marquer chaque étape !
  • Des wagons à l’économie collaborative : la friche ferroviaire au centre de Lille accueillera bientôt, à côté du Bistrot Saint-So et de la halle culturelle, le Saint So Bazaar, un espace d’innovation économique, et d’autres fonctions de la vie citadine. Parce que ce site est vaste et idéalement placé en cœur de ville, il est propice à devenir un espace de respiration autant qu’un espace d’habitation et de récréation. Il accueillera 8,7 ha d’espaces verts publics et privés, des logements (dont 70 % seront abordables), des activités, des loisirs de plein-air et des équipements, tous conçus sur la base d’une forte exigence environnementale et sociale : architecture bioclimatique, éco-matériaux, espaces partagés, sobriété énergétique avec des boucles de chaleur.

Par ailleurs, nos exigences actuelles pour les projets d’aménagement, de construction ou de rénovation tant publics et privés dépassent les simples normes réglementaires : écoquartiers, constructions HQE, logements neufs et rénovés en BBC dès 2005, puis passifs ou à énergie positive, intégration des EnR (panneaux solaires, raccordement au réseau urbain et boucles de chaleur…), application d’un coefficient de biotope renforcé. 

À partir de 2020, nous avons déjà prévu de :

  • Compléter ces exigences pour mieux intégrer tous les aspects liés à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique : biodiversité, économie circulaire et gestion des ressources, éco-mobilité…
  • Passer d’une appréciation par projet à une approche globale de l’empreinte carbone.

Espérant que ces éléments vous auront convaincu de mon engagement en faveur d’une ville durable et apaisée, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes sentiments les meilleurs, 

Martine Aubry